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Défendre le Canada dans un environnement stratégique en évolution



Photo de Bing et Business Insider

Récemment, le Canada a été contesté par trois pays qui étaient jusqu'à présent considérés soit comme des alliés, soit comme despays avec lesquels le Canada pourrait s’associer économiquement, même s'il ne partageait pas son approche au sujet des droits politiques.

En 2018, le président américain Trump, soutenant que les exportations canadiennes d'acier et d'aluminium vers les États-Unis constituaient une menace stratégique, a imposé des droits de douane de 25 % et de 10 % respectivement. Le Président américain a également critiqué le bas niveau des dépenses du Canada pour la défense.

Après la critique d'Ottawa à l'encontre de ses atteintes aux droits de la personne, l'Arabie saoudite a expulsé l'Ambassadeur du Canada et gelé toute nouvelle transaction commerciale. Entre-temps, les Saoudiens ont coupé les achats de blé et d'orge canadiens.

Le dernier défi concerne une controverse majeure avec la Chine communiste. En décembre 2018, la chef de la direction financière de la société chinoise de haute technologie HUAWEI a été retenueà Vancouver en réponse à un mandat d'arrêt américain. À la suite de sa détention, deux citoyens canadiens résidant en Chine ont été arrêtés et un troisième confronté à des accusations de trafic de drogue est menacé de peine de mort. Plus récemment, la RPC a cessé tous les nouveaux achats de canola canadien, en argumentantque les livraisons canadiennes contenaient des « parasites interdits », ce qui peut avoir un effet dévastateur sur les communautés agricoles de l’Alberta et du Manitoba.

Ces événements sont essentiellement motivés par deux facteurs. Premièrement, et de toute évidence, il y a un nombre croissant d'états qui ne partagent pas l'engagement du Canada en matière de droits de la personne et de droit international ainsi que de libre-échange. Deuxièmement, le Canada est une cible facile. En particulier, si le Canada agit seul, il y a très peu de stratégies qu'il peut mettre de l’avant pour contrer les états qui cherchent à l’intimider.

Le Canada est un acteur de taille moyenne et sa relation avec son allié historique au sud n’est plus très claire. Le pays est géographiquement distant de ses partenaires européens de longue date, qui se battent contre leurs propres problèmes de politique intérieure et étrangère. Comme le Canada, ils se retrouvent confrontés à un éventail de défis en matière de sécurité – le terrorisme, la perturbation potentielle d'une infrastructure d'importance critique par des attaques de cybersécurité et des événements environnementaux catastrophiques – qui posent des risques autant domestiques qu’étrangers. En plus, le Canada doit maintenant faire face à des guerres économiques.

Le Canada doit également composer avec cette réalité que les institutions internationales avec lesquelles il a traditionnellement exercé ses politiques de défense et de sécurité ont été sérieusement affaiblies sous la présidence de Trump.

Enfin, les grandes mers qui ont traditionnellement découragé les pouvoirs potentiellement agressifs de défier l'espace territorial du Canada ont perdu leur effet prophylactique. Cela est particulièrement vrai pour l'Arctique qui, à la suite de changements climatiques et technologiques, est de plus en plus convoité par des états tels que la Russie et la Chine qui ont des capacités militaires bien supérieures à celles du Canada.

Dans ce contexte, il est bien temps de repenser sérieusement le paradigme de défense canadienne, et ce que les Canadiens doivent faire pour assurer la sécurité de leur pays.

Tout d'abord, le Canada doit combler des lacunes flagrantes dans ses capacités de défense du pays. Un rapport du Sénat de 2017 a d’ailleurs relevé plusieurs lacunes critiques : un nombre insuffisant de chasseurs, d’hélicoptères de transport, de frégates, de sous-marins capables de faire face aux défis militaires contemporains. En plus, le rapport a souligné la nécessité que la garde côtière canadienne développe ses possibilités d’intervention en situations de crise.

Pour financer cela, le rapport a demandé une augmentation des dépenses de défense du Canada pour atteindre l'objectif actuel de l'OTAN de 2 % sur une période de onze ans. En 2018, le taux était de 1,23 %, soit une diminution par rapport au taux de 1,36 % de l'année précédente. Le budget récemment annoncé pour 2019 reste au même niveau. De plus, on ne retrouve le plan stratégique concerté pour le Nord canadien et l’Arctique, annoncé depuis longtemps.

Deuxièmement, le processus par lequel le Canada décide de l’équipement à acheter pour ses militaires est désespérément compliqué, politisé et inefficace. Les efforts continus déployés pour moderniser la capacité de la flotte canadienne de chasseurs à réaction en disent beaucoup à ce sujet. Ainsi, Ottawa a décidé d'acheter 18 avions de chasse australiens que les Australiens eux-mêmes sont en train de retirer de leur flotte, et qui finiront par être remplacés par une nouvelle génération de jets de chasse pour augmenter la capacité des CF-18 d'abord déployés il y a 36 ans. C'est un non-sens de premier ordre. Le Canada a grandement besoin d'un processus d'approvisionnement qui réponde aux exigences des Forces armées canadiennes d'un point de vue stratégique.

Une troisième priorité consiste à repenser la façon dont les divers acteurs de la sécurité du Canada collaborent dans l'environnement sécuritaire radicalement modifié du XXIe siècle. Le Canada a amorcé un travail dans cette direction en réunissant, sous la Sécurité publique Canada, l’Agence de la sécurité frontalière du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada et la Gendarmerie royale de Canada.

Mais, il reste encore beaucoup à faire pour créer une architecture viable du secteur de la sécurité. Les Forces armées canadiennes ne se retrouvent pas dans cette structure. Bien qu'il y ait une longuetradition selon laquelle des organismes comme la GRC travaillent aux côtés de l'armée canadienne dans les opérations à l'étranger, il n'y a pas de lien structurel permettant à la GRC et aux autres acteurs énumérés ci-dessus d’agir ensemble dans le contexte canadien. Ceci pourrait entraîner un échec coûteux, notamment dans le traitement de toute tentative étrangère déterminée à rendre l'infrastructure canadienne dysfonctionnelle.

Une quatrième question consiste à élaborer un débat à l'échelle nationale sur les défis auxquels le Canada est confronté en termes de sécurité et sur les solutions à y apporter. Ceci est une question cruciale. Une partie importante de la population canadienne ne voit pas la défense territoriale comme une question déterminante.

La tendance actuelle est de comprendre les Forces armées canadiennes comme étant essentiellement gardiennes de la paix selon la vision pearsonienne de 1956, même lorsque l'engagement actuel du pays dans les missions de soutien de la paix est à un niveau historiquement bas, ou considéré essentiellement comme un organisme de secours en cas de catastrophe. Le fait que le Canada pourrait avoir à défendre ses intérêts stratégiques dans l'Arctique n'est pas sur le radar du Canadien moyen. Et la tendance à ne pas penser de façon générale aux capacités militaires du Canada est plus prononcée chez la plus jeune cohorte de la population.

Dans ce contexte, il est primordial que la classe politique du Canada entreprenne une discussion sérieuse avec sa population sur la façon dont le pays devrait réagir à un environnement sécuritaire qui évolue rapidement et radicalement, et sur ce qu'il doit faire en conséquence.

Même si le Canada devait relever les défis cités précédemment, il pourrait encore se trouver vulnérable à quelque agression que ce soit de la part d’états revanchards ou renégats. C'est précisément pour cette raison que le Canada doit privilégier les efforts pour renforcer ses liens avec des pays alliés et chercher à développer des ententes avec des états qui doivent faire face à des défis similaires.

Les membres de l'OTAN sont des alliés de longue date du Canada. Cela dit, il y a beaucoup d'autres partenaires existants ou potentiels en Amérique latine, en Asie et en Afrique dont le destin sécuritaire est relié ou peut être relié à celui du Canada.

Pour aller dans le sens de l'historien Christopher Clarke, le Canada est somnambule dans un monde qui sera significativement moins bienveillant et radicalement plus violent que ce qu'il a connu historiquement. Le Canada doit sortir de son sommeil, et rapidement.

David Law est un ancien chef de l'unité de planification de la politique de l'OTAN et un ancien collaborateur principal pour les questions de réforme de la sécurité au Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées.

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